TERRES COMMUNES

EAUX VIVES

par Julien Rodriguez

Lors des rencontres Terres Communes, quelques étudiants de l’ENSA-Marseille¹ ont expérimenté l’outil cartographique développé par le collectif des Gammares afin d’explorer et d’inventorier le du ruisseau des Aygalades/Caravelle. Guidés par l’artiste et paysagiste Julien Rodriguez, ils et elles ont parcouru le territoire du cours d’eau à partir du jardin de la cascade situé à la cité des Arts de la rue. Ensemble ils ont interrogé l’utilité d’une carte du bassin versant pour que les habitants riverains puissent imaginer comment “jardiner le ruisseau”.

© Alexandre Field
© Alexandre Field

Eaux Vives est un atelier cartographique participatif qui interroge notre perception et la présence de l’eau en ville. En groupe, nous partons visiter un quartier. Chaque participant reçoit un petit livret d’exploration ainsi qu’une carte à compléter librement. Le guide pose des questions sur la présence (ou l’absence) de l’eau dans la ville : par où l’eau arrive-t-elle ? Par où repart-elle ? Y a-t-il eu des inondations par le passé ? Des fontaines ? Des manques d’eau, des sécheresses ?

La discussion est libre au sein du groupe : l’idée ici est de partager nos savoirs et nos perceptions.

Avec une série d’images de références, le guide montre ensuite comment l’eau peut être un atout pour la ville (eau de rivière, eau de pluie…), créant des espaces agréables, frais, végétalisés et utiles.

Le groupe est ainsi sollicité, sur la base de ces images, de ses connaissances et de son envie, à proposer des solutions d’aménagements pour améliorer la présence de l’eau dans le quartier. Ces idées prendront la forme d’une grande carte, synthèse de notre promenade et de nos discussions, qui pourra être ensuite partagée au plus grand nombre.

 

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L’eau est omniprésente dans nos villes et dans nos vies.
Si on ne la voit pas toujours, elle en a sculpté le relief. Elle coule dans nos rivières urbaines, parfois cachées. À Marseille, 3000km de canalisations acheminent sous nos pieds l’eau potable jusqu’aux robinets. Un autre réseau, lui aussi sous-terrain, se charge d’évacuer les eaux usées et les eaux de ruissellement vers les centres de traitement.

L’eau est primordiale pour les écosystèmes, c’est un des facteurs principaux d’augmentation de la biodiversité.

L’eau apporte fraîcheur et détente et peut constituer une source d’agrément et d’usage pour les habitant·es, comme l’atteste le grand nombre de fontaines et de puits que l’on trouve historiquement en Provence, ou comme le montre les études récentes sur les «îlots de fraicheur» s’appuyant sur l’évapotranspiration du végétal pour faire baisser localement les températures.

S’intéresser à la question de l’eau en ville devient alors de plus en plus crucial : Les scientifiques prévoient que le dérèglement climatique en Europe va notamment se traduire par des sécheresses de plus en plus fortes et fréquentes, et par des évènements pluvieux plus ponctuels mais aussi plus intenses, augmentent le risque de crues et d’inondations. Les contestations récentes contre l’accaparement de l’eau par certains groupes privés ou publics (méga-bassines pour la neige de culture ou pour l’agriculture) montrent que l’eau est encore loin de constituer un droit commun que l’on doit préserver et partager. En France le droit de l’eau régissant sa protection et sa gestion est éparpillé dans plusieurs codes, lois, décrets, ce qui en fait un droit assez complexe et mal défini. En 2018 une proposition de loi visant à faire de l’accès à l’eau un droit inaliénable inscrit dans la constitution à été rejetée par le parlement. C’est aujourd’hui un enjeu politique majeur qui concerne notre présent et engage notre futur.

 

Un atelier à notre échelle

Plus localement, la question du manque d’eau, des pénuries, des fortes chaleurs, ou des risques d’inondations, viennent fortement impacter la manière dont nous pensons nos villes et nos existences communes. Face à ce constat, des solutions d’aménagements et des initiatives citoyennes existent pour faire face à ces défis et améliorer nos cadres de vie. Et d’autres sont à inventer !

L’atelier Eaux Vives s’empare de ces questions et propose un espace d’échange de savoirs, de points de vue et de perceptions liés à l’eau en ville, en montrant comment ce thème peut devenir un pivot sur des questions d’aménagements urbains, d’usages privés ou collectifs et de bien être.

Il se déroule sur une journée complète. Le matin, une marche d’exploration nous permet d’arpenter un quartier donné. L’après-midi, l’atelier cartographique met en œuvre notre intelligence collective pour aboutir à une carte synthétique mettant en scène nos constats (perceptions, géographie, histoires et anecdotes liées à l’eau, patrimoine…) et des propositions de projets.

L’atelier articulera deux échelles : celle du quartier que l’on arpentera et celle du bassin versant (ensemble géographique composé d’une rivière, de tous ses affluents et des pentes qui y mènent). Il s’adresse à un public large, ado ou adulte, d’une vingtaine de personnes. L’idéal étant d’avoir dans le groupe au moins quelques personnes qui habitent depuis longtemps le quartier et pouvant en retranscrire sa mémoire (souvenirs d’inondation, aménagements antérieurs à l’urbanisation récente etc.). Des connaissances en aménagement urbain ou en cartographie ne sont pas nécessaires, le but étant justement de s’initier à ces domaines.




PROGRAMME DE LA JOURNEE ET DÉROULÉ DE L’ATELIER

Après une courte introduction résumant les enjeux de l’exercice de cartographie, les participant·es sont invité·es à se présenter lors d’un tour de table des prénoms, des lieux de résidence et de leurs connaissances liées aux questions de l’eau.

Pour aiguiser les sens, une courte exploration en aveugle des alentours immédiats est proposée, cela afin d’augmenter le focus sur les sons, les odeurs et le toucher, et de vivre ensemble une première expérience sensible partagée.

Le groupe part ensuite explorer le quartier sur un territoire d’environ 1km2 sur un parcours entre le point le plus haut et le point le plus bas, sur la trace naturelle de l’eau qui ruisselle.

Chaque participant·e reçoit un livret d’exploration à compléter pendant la marche, ainsi que des images de référence d’aménagements urbains sur transparents, que l’on va chercher à superposer au réel, tel des photomontages artisanaux.

Les discussions au sein du groupe sont libres, dynamisées par le guide de la journée qui lance des sujets en fonction de ce que l’on croise sur le chemin. Tout le monde peut solliciter un arrêt du groupe (pour montrer quelque chose par exemple) en criant «GLOUGLOU» !




Repas partagé pendant lequel on regarde et commente les photomontages réalisés par chacun·e.

 

 

En 4 petits groupes, chacun autour d’une table et d’une grande carte du quartier, les participant·es sont invité·es à reporter leurs constats à l’aide de plusieurs lots
de tampons, complétés par du texte écrit sur post-it transparent.

Ces constats peuvent être positifs, négatifs, ou encore neutre (dans le cas de constats objectifs comme la pente, les bâtiments publics etc.).

Un deuxième temps est consacré à la mise en relief des opportunités : ce sont des constats (souvent négatifs) qui ont un fort potentiel de projet en terme de facilité de mise en œuvre ou d’impact possible (un grand parking, une grande toiture etc.).

Un troisième temps, toujours en petit groupe, permet d’élaborer en s’appuyant sur ces opportunités des propositions de projets selon 3 angles :
– Le projet «on s’y met demain», immédiatement réalisable par un collectif d’habitant ou une association et à très faible coût.

– Le projet «au long court», réalisable dans les 5 prochaines années, porté par les pouvoirs publics et à coût moyen.
– Le projet «lettre au Père Noël», du domaine de l’utopie technique et financière, mais qui nous fait rêver.Ce

 

Cette séquence s’achève par la mise en commun des propositions et par la hiérarchisation des priorités (mettre en avant certains projets que l’on juge nécessaires et urgents).

 

 

Conclusion de l’atelier par un court tour de table où chacun·e est invité·e à dire :
– Une chose que j’ai aimé pendant l’atelier
– Une chose que je trouve améliorable

– Une question que j’aimerai poser au guide de la journée (Cette conclusion peut se faire en même temps qu’un goûter convivial).

 

 

Les cartes produites pendant l’atelier feront l’objet d’une synthèse graphique qui sera mise à disposition du groupe, soit pour mémoire, soit pour tenter de porter ces projets imaginés auprès des pouvoirs publics ou de groupes d’ha- bitant·es. Les données produites lors de chaque atelier viendront également s’ajouter les unes aux autres permettant de cartographier un large territoire, par exemple à l’échelle du bassin versant Aygalades/Caravelle.