TERRES COMMUNES

Journée 5

PRENDRE PART AU MONDE QUI VIENT

par l’atelier Terrestre

Projection du film NUL HOMME N’EST UNE ÎLE, suivie d’une rencontre avec Dominique Marchais.


Un voyage en Europe, de la Méditerranée aux Alpes, où l’on découvre des hommes et des femmes qui travaillent à faire vivre localement l’esprit de la démocratie et à produire le paysage du bon gouvernement. Des agriculteurs de la coopérative le Galline Felici en Sicile aux architectes, artisans et élus des Alpes suisses et du Voralberg en Autriche, tous font de la politique à partir de leur travail et se pensent un destin commun. Le local serait-il le dernier territoire de l’utopie ?

© Renaud Perrin

« Nul homme n’est une île, un tout en soi ; 

chaque homme est part du continent, part du large ».

John Donne

La célèbre citation de John Donne, poète anglais métaphysique et baroque, pose l’humain comme un être non-séparé, faisant partie d’un continent global, et que touche en particulier ce qui affecte la totalité, pour le pire comme pour le meilleur. Et c’est plutôt une bonne nouvelle « pour la suite du monde » que nous apporte le documentaire de Dominique Marchais, réalisé en 2017. Poursuivant sa réflexion (car il s’agit bien de cheminer par l’image à travers questions, expériences et expérimentations) sur le bien commun, les territoires et les métamorphoses du paysage, le documentariste, en donnant tranquillement la parole à  des acteurs locaux du changement, esquisse les contours d’un futur désirable. 

Point de départ et d’arrivée : la fresque de Lorenzetti dans le Palais Communal de Sienne, dite « du Bon et du Mauvais Gouvernement »,  que la caméra traite en profondeur comme un paysage à faire penser (ville et campagne ensemble), espace d’expérience et figure d’un monde harmonieux d’hommes au travail dans une société active. De la Toscane idéalisée du Quattrocento aux collines siciliennes actuelles, aux autoroutes ou zones commerciales qui les colonisent (« En cinq minutes on détruit ce que la nature a mis cinq siècles à construire ») la rude plongée dans le réel est adoucie par la rencontre avec Roberto et  la coopérative des « Galline Felici » où effectivement les poules réformées loin de l’élevage en batterie, les agrumes cueillis à maturité, la nécessité de trouver un prix juste dans la vente en réseau disent la dignité et le plaisir d’être agriculteur non isolé. Parole relayée par une productrice d’herbes aromatiques plus politique, qui finement évoque finement les illusions perdues de sa génération, les liens pragmatiques avec une mafia « pauvre » et la possibilité de l’autogestion à une échelle raisonnable. 

Le panorama s’élargit vers les Alpes et le Rhin et la caméra accompagne la déambulation un groupe d’étudiants urbanistes dans un village traditionnel, support d’un exercice d’aménagement dont le maître-mot euphorisant sort clairement plusieurs fois de la bouche du professeur : « Soyez libres ! » Le voyage se poursuit doucement (fluidité et plasticité des images)  de la Suisse à l’Autriche ou vers le lac de Constance dans un paysage littéralement et métaphoriquement « habité », animé d’initiatives pesées, pensées et réalisées collectivement, présentées minutieusement dans leur genèse comme dans leur résultat effectif par des interlocuteurs heureux et fiers de partager leur expérience. Aucun ennui face à la diversité des entreprises et leur vitalité (une école maternelle en bois « qui vient de nos forêts , chauffée par notre soleil », construite par des volontaires intégrant demandeurs d’asile ou réfugiés ; une fédération d’artisans organisée en plateforme de services dont le cahier des charges est de faire avec les matériaux existants, en accord avec l’esprit du lieu…) qui ont toutes en commun le souci du collectif, du lien social et du lieu à valoriser, le respect du matériau et de la préservation (« préserver n’est pas conserver », dit le forestier qui sait qu’il faut couper le jeune sapin blanc au moment « juste »). L’une des initiatives surprenante et forte dans sa simplicité consiste en un grand cadre en bois, sorte de boîte sans fond dans laquelle peut monter le promeneur, ouverte sur le paysage, sorte de machine à inviter le regard à se poser sur ce qui est là devant les yeux, à donner envie d’aller plus loin vers l’horizon – véritable apprentissage et déjà mise en œuvre d’une écologie de l’attention qui devrait être le fondement du rapport au monde  de chacun. 

Leçon de cinéma aussi et discrète ouverture sur le mode opératoire du documentariste : ligne claire, quête, confirmation et affirmation de la beauté partout où elle se niche. OEt on peut trouver tout cela dans cette mosaïque-fresque qui relie et donne à voir des initiatives locales, micro-laboratoires politiques turbinant à l’intelligence collective et au partage : t. Tout ce qui peut susciter le furieux désir de fabriquer soi-même un petit morceau de monde depuis sa place !

POUR EN VOIR PLUS

Pour voir l’interview de Dominique Marchais, réalisé au cinéma le Gyptis par l’équipe Image de Ville : https://vimeo.com/828971222

Pour découvrir l’atelier de programmation Terrestre imaginé par Image de Ville

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Présentation de Dominique Marchais (cf biographie page suivante)

Présentation de l’atelier de programmation TERRESTRE (Image de Ville)

Lien vers les sons de la rencontre avec Sébastien Marot et Dominique Marchais (pour une possible retranscription partielle de l’échange / verbatims)